On était presque prêt…

Lundi 30 juillet. 11H56. Je sors mon téléphone de ma poche. Un appel en absence à 11H47 (J’ai la drôle de manie de laisser toujours mon téléphone sur silencieux). Je suis en train de marcher dans le couloir du 8ème étage de Reyers. Je sors aussi mon oreillette. Il y a quelques nœuds dans le fil. Je les défaits. Je la branche au téléphone. C’est plus confortable pour papoter tranquillement. Je suis toujours en train de marcher dans le couloir. 11H58. Ça sonne. Et puis, elle décroche. Une phrase. Une seule. J’arrête de marcher. Je regarde autour de moi. Je veux juste être sûr que personne n’a capté. 12H03 je raccroche. Je marche un peu plus vite. Puis encore un peu plus vite. Et je calcule. 40 – 6 = 34 semaines.  280 – 42 = 238 jours. C’est pas rien. Notre fils a envie de découvrir le monde bien plus tôt que prévu. Quelques heures plus tard, le plus beau et le plus courageux des bébés du monde nous plongeait dans un univers magique.

Samedi 18 août. Les valises sont bouclées. Un dernier au revoir aux fabuleuses équipes de néonat. La voiture est prête. La base du siège auto est fixée. Premières sensations. Les odeurs de la ville. Le bruit du trafic. L’éblouissante lumière du jour. On rentre à la maison !  Ce retour, c’était aussi bien que dans tous nos rêves réunis. La dernière fois qu’on a fermé la porte, on était « deux ». Ce midi, on rentre à 3. Gaspard est contre moi. Il respire un peu plus fort que d’habitude. Je reconnais ce rythme. Cette énergie. C’est la même que celle qui m’a envahi le 30 juillet à 11H58.

Entre ces deux lumineuses journées, il y a eu un séjour en néonatologie. D’abord en unité intensive, ensuite un passage par le sas de la néonat « classique ».  18 jours. 18 jours de sensations fortes. 18 jours dans un parc d’attractions uniquement destinées à secouer nos émotions les plus profondes. Les détails, on les garde pour nous. C’est l’histoire de notre lion. Elle lui appartient.

Mais peut-être qu’un jour, vous aussi, vous découvrirez qu’il existe une journée mondiale de la prématurité. Parce qu’avant que ça nous arrive, on y pense pas. Et on utilise toujours cette formule classique, « ça n’arrive… « . Moi qui déteste tellement les formules conventionnelles (et pourtant, je vais en utiliser quelques unes dans cet article, je suis un jeune papa fatigué, j’ai le droit), je suis bien obligé de le dire : c’est impossible de comprendre cet univers de la prématurité si on y a pas été immergé en plein coeur.

Alors, je me suis dit que j’avais envie de vous partager quelques petits trucs qui nous ont permis de nous sentir forts. Invincibles. Toujours. A n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Et donc de coacher notre roi Lion tout au long de ses premières journées.

La pleine confiance

Ça a été difficile dans les premières heures. Se dire que mon bébé ne pourra pas se contenter de l’amour de son papa et de sa maman pour prendre les premières forces de sa vie m’a brisé le coeur. Mais le déclic s’est rapidement manifesté. On a très vite compris que c’est en avançant main dans la main avec cette équipe soignante formidable qu’on pourra faire de notre petit lion, un enfant en pleine forme. Mais il y a tellement de questions qui se posent. Quant aux valeurs. Quant aux priorités. Quelles sont les leurs ? Que va-t-il se passer là, maintenant ? Dans une heure ? Demain ? Dans une semaine ? Jour après jour, nous sommes devenus une équipe. Avec un super capitaine. Il s’appelle Gaspard. Tous réunis autour de ses besoins. Il nous drive. Nous anime. Nous fait vivre. On a eu une chance inouïe. Entourés de femmes passionnées par leur travail. Elles entrent dans votre vie de famille sans la bousculer. Juste pour vous épauler. L’autre chance qu’on a eue est d’avoir pu dormir chaque nuit à côté de notre bébé.

Le peau à peau 

J’en avais un peu entendu parler avant ce 31 juillet. Mais jamais je n’aurais (nouvelle formule conventionnelle, mais j’ai le droit, je suis un jeune papa fatigué) imaginé à quel point cette « technique » allait me bouleverser. Dès les premières heures de vie à 3, Gaspard était nu sur notre ventre. On s’est relayé avec des shifts de trois heures. On a fait ça quasi 24h sur 24.

Pour lui, de nombreuses études le montrent, c’est ultra important. Quasi vital. Sa température se régule. Il entend le cœur de sa maman et de son papa. Il sent les mouvements respiratoires de notre thorax. Il reçoit des tonnes de bisous à la seconde sur le dessus de son crâne. Ses angoisses diminuent. Son sommeil est meilleur. Pour nous, c’est intense. Pur. Doux. C’est même régénérant. Comme si on se branchait à un chargeur. Côté pratique, j’ai reçu une sorte de « bandeau de torse », très efficace et surtout très rassurant.

 

La méditation de pleine conscience 

Ça fait quelques mois déjà que je prends parfois le temps de me poser 20 minutes. C’est vraiment pas évident mais je sais à quel point ça peut faire du bien. J’utilise une application extra : Petit bambou. Je l’ai utilisé quasi tous les jours pendant des séances de peau à peau avec Gaspard. C’est un peu comme le chargeur auquel je faisais allusion dans le paragraphe précédent. Comme l’impression d’avoir fait une super sieste de 2 heures. Et pourtant, je ne me suis pas endormi une seule seconde. Même si vous n’êtes absolument pas concerné par la néonat, petit bambou c’est juste génial.

Les sons 

J’ai un papa mélomane qui collectionne depuis toujours des millions d’heures de musique. J’ai grandi avec une radio très souvent allumée à la maison. J’ai passé des heures à tourner des pages d’histoires racontées par des 33 tours. « Et maintenant, tourne la page ». Je me suis toujours dit que j’allais transmettre ces doux moments à mes enfants.

Quand notre lion est arrivé, on nous a très vite parlé de l’impact positif du chant lyrique chez les prémats. Dès son premier jour de vie, j’ai inventé une petite chanson à 3 couplets que je lui chantais à chaque soin. Et on se rendait compte que ça l’apaisait. Et puis j’ai lancé quelques playlists de chants lyriques sur spotify quand il était plus agité. Je lui proposais des petites sessions de 15 minutes. Et là aussi, ça l’apaisait. Tellement certaines du bienfait du chant sur l’évolution des prémats, les équipes de néonat de Cavell ont crée une session mensuelle de chants. Les pédiatres et les infirmières chantent pour les bébés et les parents le temps d’une demi-heure dans une salle commune. C’est un réel moment suspendu. Les regards fatigués des parents se croisent.  Parfois pour aller chercher dans les yeux de l’autre, de la force. De la compréhension aussi. On est sur le même bateau. Parfois ça tangue. Parfois la mer est plus calme. Mais le cap est si beau.

Autre astuce sonore très efficace, les fameux bruits blancs. Techniquement, il faut avoir fait Math Sup’ pour pouvoir définir le concept. Concrètement, ce sont des bruits qui rassurent le bébé parce qu’ils lui rappellent la vie in-utero. Il y a des playlists qui existent aussi sur Sportify par exemple.

Aujourd’hui, Gaspard est le plus merveilleux des petits mecs et on est certain que c’est un peu grâce à toutes ces petites astuces.

 

Adrien Devyver
Adrien Devyver